Depuis plus de 15 ans, l’EFSA doit définir des apports limites en vitamines et minéraux pour l’enrichissement des denrées alimentaires et la conception des compléments alimentaires. La première étape de ce vaste chantier commence enfin ! L’EFSA vient en effet de publier un guide pour les définir.
Pourquoi définir des apports limites en vitamines et minéraux ?
Les vitamines et les minéraux sont des nutriments essentiels à notre vie. Leur carence peut être préjudiciable à notre santé. Cependant, comme pour tous les composés qui constituent notre alimentation, lorsqu’ils sont en excès, ils peuvent devenir des poisons.
L’ajout de vitamines et de minéraux dans les denrées alimentaires est réglementé au sein de l’Union Européenne (Règlement (UE) n° 1925/2006), tout comme leur utilisation dans les compléments alimentaires (Directive 2002/46/CE). Ainsi, les consommateurs peuvent être confrontés à des apports en vitamines et minéraux importants via la consommation cumulée de ces produits. Il est donc essentiel, en formulation, de prendre en considération le risque de surexposition. Celui-ci tient compte des apports du produit développé ET des apports liés à l’alimentation globale, tout en considérant la cible destinataire qui peut présenter des caractéristiques particulières en termes d’exposition aux vitamines et aux minéraux.
Le Règlement (UE) n° 1925/2006 et la Directive 2002/46/CE prévoyaient la mise en place de quantités maximales règlementées en vitamines et minéraux. Hélas, elles n’ont jamais été définies au niveau de l’Europe.
De ce fait, certains pays ont défini des quantités maximales en local. En France, des limites ont rapidement été définies pour les compléments alimentaires (Arrêté du 9 mai 2006). Cependant, elles ont été annulées par le Conseil d’Etat à la suite d’un recours (voir note de la DGCCRF). De nouvelles limites ont été mises en place grâce aux travaux de l’ANSES (Saisine 2007-SA-0315) et de la DGCCRF (Nutriments – Recommandations sanitaires – 2019).
Dans la majorité des cas, les limites définies en local sont des recommandations qui n’ont pas de valeur légale (non retranscrites au sein de textes de loi). Par ailleurs, les quantités maximales définies en local sont souvent différentes d’un Etat Membre à l’autre, ce qui peut conduire à des difficultés en termes de commercialisation.
Aussi, la définition des quantités limites en vitamines et en minéraux à l’échelle de l’Union Européenne devient urgente.
Dans ce but, La Commission Européenne a demandé à l’EFSA (European Food Safety Authority) de prendre ce sujet en main.
Une révision de la méthodologie
Avant de définir les quantités maximales pour les vitamines et les minéraux, la Commission Européenne a souhaité que l’EFSA révise la méthodologie à appliquer.
En effet, la méthodologie actuelle a été mise en place par le SCF (Scientific Committee on Food) au début des années 2000.
Depuis début 2000, les connaissances scientifiques et médicales ont fortement évolué en matière de nutrition. Les méthodologies permettant l’évaluation des risques dans ce domaine également.
Le groupe d’experts chargé de ce travail au sein de l’EFSA (Panel on Nutrition, Novel Foods and Food Allergens – Panel NDA) a alors élaboré un projet de guide établissant la méthodologie à suivre pour définir les dangers liés à l’ingestion des vitamines et minéraux.
Qu’est-ce qu’un UL ?
La notion d’Upper Level (UL pour Tolerable Upper Level Intake- apports limites) a initialement été définie par le SCF en 2000 (Tolerable Upper Intake Level for Vitamins and Minerals publiée en 2006 – voir la synthèse publiée en 2018).
Dans le nouveau guide, le NDA a révisé la définition des UL.
Ce concept correspond ainsi au niveau maximal d’apport quotidien total d’un nutriment (issu de toutes les sources alimentaires) en dessous duquel il n’existe pas de risque d’effets nocifs pour la santé humaine.
Les UL seront définis en fonction :
- Des risques liés à la surconsommation des nutriments : l’évaluation de ces risques pour chaque nutriment se basera sur les données scientifiques issues d’études publiées, voire sur des estimations lorsque les données scientifiques seront insuffisantes pour conclure,
- Des apports alimentaires en nutriments consommés par les populations : les valeurs seront alors calculées à partir des données de consommation (aliments et boissons) issues d’enquêtes et de la composition en nutriments des aliments et boissons consommés, issue de base de données de composition (par exemple la base du CIQuAl – Centre d’Information sur la Qualité des Aliments). Ces apports alimentaires en nutriments prendront ainsi en compte les nutriments apportés naturellement par les aliments courants, tout comme ceux apportés par les aliments enrichis et les compléments alimentaires. Ils devront également prendre en compte les vitamines et minéraux qui peuvent être introduits dans les denrées alimentaires dans un but technologique (additifs à l’image de l’acide ascorbique, pouvant être utilisé en tant qu’acidifiant, ou de la vitamine E, utilisée en tant qu’antioxydant).
A termes, les UL seront définis par catégories de la population :
- Enfants de moins de 3 ans,
- Population générale (de plus de 3 ans),
- Autres catégories particulières de la population (par exemple les personnes âgées, les femmes enceintes, …).
Les UL ne seront donc pas des données individuelles mais des données moyennes applicables à une catégorie de la population. Ainsi, le dépassement de l’UL par un individu un jour donné ne se traduira pas par l’apparition d’effets nocifs. C’est la répétition de l’exposition qui peut entrainer l’apparition d’effets nocifs lors d’apports supérieurs aux UL, que ce soit chez un individu ou au sein d’une population.
Par ailleurs, les UL s’appliqueront aux membres les plus sensibles d’une population. Ainsi, lors du développement d’un produit destiné à la population générale, il sera nécessaire de prendre en compte les limites définies pour les enfants car ils seront potentiellement destinataires et consommateurs du produit.
Sous quels délais l’EFSA va-t-elle définir les UL ?
Le guide qui vient d’être publié va être utilisé par l’EFSA dans le cadre de ses évaluations pendant un an. A la suite de cette année de test, il sera éventuellement ajusté, et soumis à consultation publique. Ce n’est qu’après cette période que seront définis les UL pour les vitamines et minéraux. Aussi, nous pouvons penser que les UL ne seront pas publiés avant 2 ans, voire plus, les délais règlementaires étant particulièrement longs en général.