Nous ne pouvons plus le nier. De nombreuses études scientifiques le montrent. La consommation excessive d’aliments ultra-transformés (AUT) présente un risque pour la santé.
Or, leur consommation est en croissance partout dans le monde (voir notre article à ce sujet).
Face à cela, de nombreux pays mettent en place des politiques de santé publique ayant pour but de diminuer leur consommation.
Agir pour améliorer l’offre alimentaire sera sans doute la stratégie la plus pertinente à long terme.
Selon la FAO (Food and Agriculture Organization), il existe un lien fort entre l’augmentation de la consommation d’AUT et le développement du surpoids et de l’obésité, des maladies chroniques non-transmissibles liées à l’alimentation, des cancers (FOA, 2019).
Aliments ultra-transformés : impact sur l'obésité et le surpoids
Des études ont montré que la consommation d’aliments ultra-transformés était associée à une augmentation des apports caloriques. Par conséquent, cela conduirait à une augmentation du surpoids et de l’obésité, tant chez l’enfant que chez l’adulte.
Ainsi, Monteiro C.A. et al. (2017) ont montré l’incidence de la consommation d’AUT sur l’obésité adulte dans 19 pays européens (voir tableau et graphique ci-dessous). Il existe une forte corrélation entre la prévalence de l’obésité et la consommation d’AUT. En effet, selon cette étude, les taux d’obésité les plus forts sont observés au Royaume-Uni. Or, il s’agit du pays où les AUT représentent les plus fortes contributions aux apports énergétiques totaux (50,7 %). A l’opposé, les pays où les consommations d’AUT sont les plus faibles sont ceux qui ont les plus faibles taux d’obésité. Attention cependant, pour certains pays, la corrélation est moins marquée (par exemple pour la Belgique). En outre, cette étude compare des valeurs recueillies selon des méthodologies différentes en fonction des pays et à des dates différentes. Aussi, leur comparaison doit être faite avec prudence.
En Espagne, l’équipe de Mandonça R.D. et al. (2016) a également montré cette association au sein de la cohorte SUN (Seguimiento Universidad de Navarra).
De son côté, la Pan American Health Organization (PAHO, 2015) considère que la consommation d’aliments ultra-transformés est directement responsable de l’augmentation de l’obésité en Amérique latine (voir graphique ci-dessous).
Nous pourrions cependant penser que la corrélation n’est pas directement attribuable aux aliments ultra-transformés. En effet, d’autres paramètres peuvent entrer en ligne de compte, car l’obésité et le surpoids sont multifactoriels. Par ailleurs, il s’agit d’observations, et peu d’études d’intervention existent dans ce domaine.
Néanmoins, Hall K.D. et al. ont mené, en 2019, une étude permettant d’évaluer l’impact des aliments ultra-transformés sur les apports caloriques et la prise de poids. Ils ont ainsi suivi, pendant 2 semaines, 20 sujets répartis au sein de 2 groupes soumis à deux types de régimes, l’un composé d’aliments ultra-transformés, l’autre composé d’aliments non transformés. Les personnes pouvaient consommer autant d’aliments qu’elles le souhaitaient. Puis, les régimes ont été inversés pour les 2 groupes et pour 2 semaines additionnelles. Pendant les 2 premières semaines, le groupe soumis au régime composé d’aliments ultra-transformés a consommé spontanément plus d’énergie au cours du petit déjeuner et du déjeuner (voir graphiques ci-dessous). Les différences n’étaient pas significatives pour les 2 autres repas. Par ailleurs, une prise de poids a été constatée dans le groupe suivant le régime ultra-transformé (0.9 ± 0.3 kg (p = 0.009)), alors que celui-ci a diminué dans le groupe suivant le régime non-transformé (0.9 ± 0.3 kg (p = 0.007)). Lorsque les 2 groupes ont été intervertis, les apports caloriques ont augmenté de 500 kcal entre la première période et la deuxième période pour le groupe suivant le régime ultra-transformé au cours de la 2ème période de l’étude.
Source : Hall K.D. et al., 2019
Augmentation des maladies métaboliques en lien avec l’obésité
La consommation d’AUT serait associée à l’augmentation de la fréquence du syndrome métabolique, chez l’adulte, et même chez l’adolescent (Tavares L.F. et al., 2012).
Elle serait responsable de dyslipidémies, même chez les jeunes enfants. Ainsi, Rauber F et al. (2014) ont montré que la consommation d’AUT chez les très jeunes enfants est responsable d’anomalies lipidiques (cholestérol total et de LDL-cholestérol élevés). En outre, cette consommation est prédicatrice d’anomalies lipidiques à un âge plus avancé. Elle est également un déterminant précoce des maladies cardiovasculaires.
Par ailleurs, Mendonça R.D. et al. (2017) ont démontré au sein de la cohorte espagnole SUN (Seguimiento Universidad de Navarra) que la consommation d’aliments ultra-transformés est corrélée avec un risque plus élevé d’hypertension, même après ajustement des autres facteurs de risque.
Enfin, Srour B et al., (2019) ont démontré, au sein de la cohorte NutriNet-Santé, que la consommation d’AUT était associée à un risque plus élevé de maladies cardiovasculaires, coronariennes et cérébro-vasculaires. L’augmentation du risque, statistiquement significative, était de 12 % pour les maladies cardiovasculaires, de 13 % pour les maladies coronariennes et de 11 % pour les maladies cérébro-vasculaires au sein du groupe consommant plus d’AUT (1/4 supérieur). Parallèlement, la consommation d’aliments non transformés ou peu transformés était associée à une diminution du risque de maladies cardiovasculaires.
Augmentation des cancers
Fiolet T. et al. (2018) ont identifié, au sein de la cohorte NutriNet-Santé, une association entre la consommation d’aliments ultra-transformés et le risque de cancer (tous cancers confondus, cancers du sein, de la prostate et colorectal). Plus précisément, une augmentation de 10 % de la proportion d’AUT consommés se traduit par une augmentation significative du risque de cancers totaux (+ 12 %) et de cancers du sein (+ 11 %). Ils ont ainsi séparé les sujets de la cohorte en 4 groupes, le « quarter 1 » correspondant au groupe consommant le moins d’aliments ultra-transformés, et le « quarter 4 » correspondant au groupe consommant le plus d’aliments ultra-transformés (voir graphique ci-dessous). L’incidence de cancer était donc plus important dans le quarter 4, correspondant aux plus forts consommateurs d’AUT.
Autres implications à confirmer par plus d’études
Les aliments ultra-transformés pourraient être impliqués dans le développement de maladies auto-immunes telles que la maladie de céliaque et le diabète de type I. Ils causeraient ainsi un déséquilibre du microbiote intestinal, induisant un état pro-inflammatoire, favorisant une hyperperméabilité intestinale (Aguayo-Patrón S.V. et Calderón de la Barca A.M., 2017).
Selon Pries A.M. et al. (2019), les AUT pourraient même être impliqués dans le développement et la croissance des populations infantiles. Des études additionnelles, et notamment sur des cohortes conséquentes, seraient nécessaires pour confirmer ces données.
Schnabel L. et al. (2019) ont analysé l’impact de la consommation des aliments ultra-transformés sur le risque de mortalité au sein de la cohorte NutriNet-Santé. Ils ont alors constaté que la consommation d’AUT augmentait le risque de mortalité, quelle que soit sa nature. Ce point a aussi été observé au sein de la cohorte SUN en Espagne (Rico-Campa A. et al., 2019).
Tout récemment, Alonso-Pedrero L. et al. (2020) ont montré, au sein de la cohorte SUN que la consommation de grandes quantités d’aliments ultra-transformés (plus de 3 portions / j) était associée à un risque plus élevé d’avoir des télomères courts. Or, la taille des télomères est un marqueur du vieillissement cellulaire.
Comment expliquer ces impacts sur la santé ?
Les scientifiques avancent plusieurs causes pouvant expliquer l’augmentation des risques pour la santé liée à la consommation d’AUT.
Les qualités nutritionnelles des aliments ultra-transformés sont moindres
La structure des aliments transformés est modifiée par rapport aux matrices originales, ce qui impacte leurs qualités nutritionnelles.
- Srour B. et al. (2019) précisent ainsi que les AUT sont en majorité des produits appartenant aux catégories D et E du Nutri-Score (85 % des produits), les produits notés A étant moins représentés (24 %).
- Les AUT conduisent à des apports alimentaires déséquilibrés selon Julia C. et al. (2018). En effet, ils sont plus riches en énergie, en lipides (et notamment en acides gras saturés), en sucres et en sodium. En parallèle, ils conduisent à une moindre consommation de fruits et légumes.
- Ils sont également plus pauvres en fibres ou en vitamines et minéraux (Srour B. et al., 2019 ; Fiolet T. et al., 2018 ; Rauber F. et al., 2018).
- Fardet A. a montré, en 2016, pour un pool d’aliments prêts à l’emploi (98 aliments prêts à manger comme par exemple les pizzas, nuggets, raviolis en sauce, soupes de tomate, croissants, céréales extrudées, barres chocolatées, cookies, cakes, les glaces, yaourts aux fruits, chips, tortillas, sodas, …) que le potentiel glycémiant augmente avec le degré de transformation. Deux raisons peuvent expliquer ce point : les glucides complexes sont transformés en glucides simples dans les AUT. Le raffinage conduit à un appauvrissement des aliments en fibres. A l’inverse, l’effet rassasiant des AUT diminue, l’ultra-transformation modifiant la structure des aliments et conduisant à des textures plus molles. Elles sont faciles à avalées, même sans mastication.
- Fardet A. (2017) a montré, pour un groupe de plus de 2600 produits, auprès d’une population de 6686 personnes âgées (> ou = à 65 ans) que plus les aliments sont transformés, plus leur potentiel de satiété et leur densité nutritionnelle sont faibles et plus leur impact glycémique est élevé.
- Ils entraineraient également une plus grande palatabilité ce qui conduirait à une augmentation de la prise alimentaire (Hall K.D et al., 2019).
Ces caractéristiques sont des facteurs de risques qui peuvent conduire à la prise de poids, aux maladies cardio-métaboliques, au syndrome métabolique. Elles peuvent aussi favoriser les cancers.
Les Aliments ultra-transformés apportent plus d’additifs
Les auteurs de différentes publications suggèrent l’implication des additifs, présents en proportion plus importante dans les AUT. Ainsi, même si leur emploi est autorisé par la règlementation, le fait de consommer des AUT en quantité élevée augmenterait l’exposition à des additifs qui ne présentent pas de risque pour la santé lorsqu’ils sont présents en faible quantité.
Srour B et al. (2019) évoquent ainsi la possible implication des glutamates, des émulsifiants, des sulfites et de la carraghénane dans le développement des malades cardiovasculaires chez des modèles animaux.
Aguayo-Patrón S.V. et Calderón de la Barca A.M. (2017) expliquent que les émulsifiants utilisés dans les AUT pourraient modifier le microbiote intestinal et créer une dysbiose intestinale. Cela entrainerait ainsi une modification de la perméabilité intestinale pouvant conduire à l’augmentation du risque de développement de maladies auto-immunes.
D’autres additifs, et notamment certains présents sous forme de nanoparticules, pourraient être impliqués dans le développement de cancers (Fiolet T. et al., 2018), voire même dans le développement fœtal (Coméra C. et al., 2020). Rappelons que le dioxyde de titane, nanoparticule utilisée notamment en tant que colorant, vient être interdite en France dans les aliments pour ces raisons (Arrêté du 17 avril 2019), mais reste autorisé dans l’Union Européenne, ainsi que dans les médicaments et les cosmétiques.
Les Aliments ultra-transformés sont des vecteurs de substances néoformées
Les processus de transformation, et notamment les températures élevées peuvent conduire à la création de composés néoformés (acrylamide, acroléine, hydrocarbures aromatiques polycycliques, amines hétérocycliques) connus pour leur implication dans les maladies cardiovasculaires ou de cancers (Srour B. et al., 2019 ; Fiolet T. et al., 2018).
Ainsi, l’acrylamide est un contaminant présent dans les produits alimentaires transformés traités thermiquement (industriellement ou non). Il se produit par réaction de Maillard. Il pourrait être associé à un risque accru de maladies cardio-vasculaires.
L’acroléine est un composé formé lors du chauffage de matières grasses. Il pourrait aussi augmenter le risque de maladies cardiovasculaires.
D’autres composés seraient impliqués dans le développement de cancers.
Leurs emballages peuvent aussi augmenter certains risques
Les emballages sont théoriquement inertes, et leur emploi n’est possible qu’après validation de leur innocuité. Cependant, certains composés peuvent migrer depuis les emballages. Ils peuvent alors être des perturbateurs cancérigènes ou endocriniens.
Ainsi, Buckley J. et al. (2019) ont démontré que la consommation d’AUT augmentait le risque d’exposition aux résidus de phtalates et de bisphénols. En effet, les résidus urinaires sont proportionnellement plus importants chez les personnes consommant plus d’AUT.
Que faire face à ces constats ?
Limiter les aliments ultra-transformés devient donc une nécessité recommandée par de nombreux organismes, à l’image de l’OMS et de la FOA. Plusieurs pays ont mis en place des politiques de santé publiques afin d’agir (voir analyse faite par la FAO à ce propos en 2019).
En France, en 2018, le Haut Conseil de la Santé Publique (HCSP) recommande de diminuer la consommation d’aliments ultra-transformés pour atteindre une réduction de 20 % d’ici 2022. En 2019, cet objectif a été inscrit dans le PNNS 4 (Programme National Nutrition Santé 2019 – 2023 – HCSP, 2019).
Pour atteindre ce but, Santé Publique France met en place des campagnes de sensibilisation auprès des populations, notamment via les nouveaux messages sanitaires ( » réduire les aliments ultra-transformés « ).
Santé publique France incite également les opérateurs à améliorer les profils de leurs produits.
Certains distributeurs et plusieurs industriels se sont engagés dans ce sens.
Bibliographie
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